Le Causse Vert

Ne cherchez pas. Le Causse Vert n’existe pas. Dans ce territoire des
Grands Causses où nous habitons, quatre Causses sont célèbres, le Larzac, le
Causse Noir, le Causse Méjean et le Causse de Sauveterre, séparés les uns des
autres par des gorges profondes : la Dourbie entre le Larzac et le Causse Noir,
la Jonte entre le Causse Noir et le Méjean, les Gorges du Tarn entre le Méjean
et le Causse de Sauveterre.
Pour autant, le Causse Vert n’est pas une fiction. En effet, face à
Mostuéjouls de l’autre côté du Tarn s’étire une barre de montagne qui va de
Peyreleau à Peyrelade. Elle est couronnée de falaises et appartient au Causse
Noir. L’hiver, cette barre de montagne orientée au Nord ne voit pratiquement
jamais le soleil. À ses pieds et par grands froids, depuis Saint-Pal, l’Aubigue,
le Paÿssel, le Cimetière et la Chapelle romane de Notre-Dame-des-Champs,
les Prades et jusqu’à Boyne, le sol se couvre d’une épaisse couche de givre et
parfois même de neige. Le Causse Noir domine alors une vallée blanche. Plus
tard, à l’automne, la montagne et la vallée exploseront dans une féerie
d’images multicolores avant de disparaître dans la nuit de l’hiver.
Mais au printemps, miracle de la nature, dès le mois d’avril, s’opère une
véritable métamorphose. En quelques semaines, le décor change de couleur.
Le Causse Noir devient vert tendre comme s’il avait reçu un magistral coup de
pinceau. Le soleil qui a pris de la hauteur réchauffe la vallée qui se réveille.
Les maisons au bord de la route sortent de l’ombre, les peupliers le long du
Tarn s’habillent des premières feuilles et les vergers des premières fleurs. La
vallée prend sa parure d’été.
C’est à ce spectacle magnifique qu’assistent sur les hauteurs, les deux
villages jumeaux de Liaucous et de Mostuéjouls, la naissance de celui que je
contemple sans me lasser depuis notre terrasse et que j’ai choisi d’appeler le
Causse Vert.
Ce 1er Mai 2025
Alexis BALDOUS

« En par là … »
Notre patois a disparu mais il y a heureusement des expressions anciennes qui perdurent et qui continuent de fleurir notre parler local.
« En par là » en fait partie. C’est une expression qui veut dire simplement « par là » ou « quelque part par là ». Pour illustrer son usage, les exemples ne manqueraient pas. Qu’il s’agisse de quelqu’un ou d’un lieu que l’on cherche, la réponse est : « il doit être en par là ». C’est une expression de jadis qui correspond à des usages du temps passé. À la question posée, on ne répondait pas : « Je n’en sais rien » mais on utilisait une réponse qui était à la fois imprécise et rassurante. C’est une astuce de la langue française, une sorte de courtoisie. Cela veut dire en réalité : « Je ne sais pas où il est mais il doit être quelque part par là … ».
Autre exemple et autre usage de cette expression : « A quelle heure viendras-tu demain ? ». « A 9 heures en par là », ce qui veut dire vers 9 heures environ, approximativement. On retrouve dans ce nouvel usage la même marge d’imprécision qui lui donne sa saveur particulière.
Sa saveur et son originalité viennent aussi de l’utilisation de la préposition « en » au début de l’expression « en par là ». « En par là » comme pour en ville, en route, en haut, en bas, en voiture, en avant. « En » donne à cette locution une certaine musique qui fait chanter notre langue, surtout avec l’accent du pays. « En par là ! ».
Maintenant je ne voudrais pas que ce petit article vous apparaisse comme un cours de grammaire. L’humour ne devant jamais perdre ses droits, si jamais un jour vous changez de domicile et si vous ne souhaitez pas qu’on vous dérange, indiquez comme adresse « En par là ». C’est joli et vous aurez la paix pendant un certain temps …
Toussaint 2023, Alexis Baldous
La roue tourne

Alexis BALDOUS
Bulletin de Mostuéjouls Juillet 2022

Bulletin de Mostuéjouls – Janvier 2022

Bulletin de Mostuéjouls – Juin 2021
« Le grand brûlé »



Au fur et à mesure que l’on monte la « vieille côte » jusqu’à Combecroze, comment ne pas être étreint par un sentiment de tristesse, lorsque l’on découvre le Causse comme nous ne l’avons jamais vu. C’est maintenant un grand brûlé. Il y a peu, la route pour y accéder était verdoyante. Des deux côtés, une grande variété d’arbres et d’arbustes bordait le chemin. La végétation masquait le ravin des Arzioles et les anfractuosités de la montagne. Le décor était l’œuvre de milliers d’années. La nature vierge était belle et nous donnerions beaucoup pour la revoir comme avant.
Aujourd’hui le Causse est nu. Çà et là, il ressemble à un grand oiseau déplumé car quelques arbres épars ont échappé aux flammes. Ailleurs à perte de vue, sa chair est à vif. Elle nous révèle un océan de pierres blanches autrefois inapparentes car recouvertes de mousse et de végétation. A présent le Causse mutilé offre le spectacle lugubre d’un chaos d’arbres fracturés et calcinés. Dès maintenant on décape ses plaies et en bordure de route, des stères de bois attendent d’être évacués.
Dans un précédent Bulletin, on avait orné la première page d’une pousse de chêne. C’était plus qu’un symbole, un espoir, mais hélas aussi l’annonce d’un avenir lointain. Sa cicatrisation sera longue mais un jour le Causse renaîtra.

Pâques 2023
Photos Sandrine RUARD 20-05-2023
Chronique d’une Catastrophe en partie évitée

Semaine du 07 au 14 août 2022
Dans l’après-midi du 8 août, Jean-Paul et Catherine Garlenq nous ont appris par téléphone qu’un incendie venait de se déclarer au-dessus de Mostuéjouls. En effet nous n’avons pas tardé à voir une énorme colonne de fumée s’élever au-dessus de la Bessède. Ce panache ne cessait de prendre de l’ampleur et, de La Peyrouse où nous étions, on se serait cru au pied d’un volcan. Le feu, nous l’avons appris plus tard, avait été provoqué accidentellement par du matériel agricole tombé d’un tracteur et traîné sur la route dans la zone de Combecroze sur le Causse de Sauveterre. Nous étions, il est vrai, dans un contexte de canicule et d’extrême sécheresse qui affectait la France entière.
Dans ce contexte, le feu a dévoré à une vitesse folle le Causse de la Bessède. Poussé par le vent, il a pris la direction du Buffarel qui a été épargné mais surtout au sud la direction du hameau des Lacs. Isolé dans le fond de sa cuvette le hameau a été encerclé par les flammes mais par chance les bâtiments ont pu être sauvés. La crainte était de voir le feu dévaler la façade sud de la Bessède et arriver aux portes de Mostuéjouls.
Dans la nuit du lundi au mardi vers 3 heures du matin, nous avons été évacués par les pompiers et des membres du Conseil municipal venus aider à brancarder mon épouse. L’ambulance appelée en renfort n’a pas paru nécessaire ni une admission à l’Hôpital de Millau. Mon frère Philippe et ma belle-sœur appelés par téléphone nous ont offert l’hospitalité chez eux. Une fois mon épouse Madeleine installée dans notre voiture, nous sommes partis en convoi, ou presque.
Quitter en moins d’une heure, au milieu de la nuit, sa maison et ses affaires sans savoir que prendre, c’est un stress que connaissent seuls ceux qui l’ont vécu. Sur la route l’ambiance était sinistre et lourde d’angoisse et d’inquiétude. Pour rendre totalement accessible aux pompiers l’unique route départementale qui longe le Tarn, la population de la vallée avait été largement évacuée, non seulement les villages mais aussi les campings. Entre 2000 et 3000 personnes. Dans le calme de la nuit, la circulation s’effectuait en bon ordre. Il y avait des camions de pompiers partout, à l’Aubigue, à Boyne au bord de la route et en rangs serrés sur le parking de la coopérative agricole de Rivière-sur-Tarn, près de 750 pompiers paraît-il. Tout ce déploiement de moyens avait à la fois quelque chose de rassurant et d’inquiétant. À Millau sont venus nous rejoindre chez mon frère Jean-Paul et Catherine « naufragés » comme nous.
Par téléphone et à la télévision qui s’était emparée de l’évènement, nous avons pu suivre au jour le jour, la progression du feu. Toujours poussé vers le sud-ouest, le feu avait atteint l’Endurme, avait même enjambé la montagne. Il menaçait les hauteurs du village de Boyne qui a été évacué le Mercredi. Cependant, finalement, l’Endurme a été un ultime rempart. Le feu s’est arrêté à son sommet. Il n’a pas progressé vers le bas et n’a atteint ni la Grave, ni Rustès, ni même le village de Boyne. Les barrages ont alors été levés et nous avons été autorisés à rentrer chez nous le vendredi matin 12 août, trop heureux de retrouver intacts le village et notre maison. Par mesure de sécurité, l’après-midi a été marqué par le ballet incessant d’un hélicoptère porteur d’eau qui faisait le va-et-vient entre « le Moulin » où il allait puiser de l’eau dans le Tarn et les fumerolles qui s’échappaient toujours des flancs de l’Endurme. Le soir tout paraissait calme et nous nous sommes endormis rassurés.




Un adage dit qu’il ne faut pas réveiller le chat qui dort. En effet, dans la nuit alors que tout paraissait calme, le vent a tourné et a réveillé le feu qui a repris de plus belle. Poussée vers l’Est cette fois-ci, les flammes sont parties dans la direction de Bellevieille et du Vors dont les bâtiments n’ont pas subi de dommages. Mais surtout le feu s’est engouffré dans le ravin du Rio des Arziolles ravageant les deux flancs de la vallée, à l’ouest la vieille route du Massegros jusqu’aux abords de Mostuéjouls et sur l’autre versant poussé par un vent furieux alimenté par la chaleur de l’incendie, le feu dévalait dangereusement en direction de Comayras et embrasait les falaises avant Liaucous. Un énorme panache de fumée s’est formé en direction du Rozier. Dans l’urgence et face à un incendie qui prenait les caractères d’un feu incontrôlable, les habitants de Mostuéjouls, Comayras, Liaucous, Saint-Pal, la Muse ainsi que les campings ont été évacués par la Gendarmerie dans l’après-midi du samedi 13. À nouveau avec l’aide d’amis et de membres du Conseil municipal et malgré la fatigue, nous sommes repartis à Millau comme nous étions venus, chez nos hôtes dont la fatigue était largement égale à la nôtre sinon plus.
On n’est pas obligé de le croire mais il peut arriver des miracles. Avant d’en arriver là, disons qu’en matière d’incendies, rien ni personne ne remplacera jamais les Pompiers. Ce sont des professionnels. Ils savent sécuriser les villages, il faut leur rendre cet hommage en plus d’être des hommes de courage et de dévouement y compris ceux que l’on ne voit pas à bord des canadairs et des hélicoptères dont la mission est d’atteindre des lieux inaccessibles. Il peut arriver en effet des miracles. Ce miracle, c’est la pluie d’orage que nous attendions depuis des semaines et des mois et qui est tombée enfin le dimanche 14 août dans la matinée. Elle a pratiquement éteint le feu qui aurait pris sinon des proportions considérables. Du coup les barrages routiers ont été levés et nous sommes rentrés chez nous dans la journée, fatigués certes mais émus et heureux de retrouver à nouveau intacts notre village et notre maison.
Cet incendie restera dans nos mémoires et dans les annales de la Commune. Mostuéjouls dont le nom est difficile à prononcer pour certains, y compris pour les journalistes de la télévision, est tout d’un coup devenu célèbre. Les Landes et la Gironde nous ont un peu concurrencés mais Mostuéjouls et l’Aveyron ont eu la vedette. On aurait aimé que ce soit dans d’autres circonstances.
Il est sans doute trop tôt pour faire le bilan de cette double catastrophe car il y a bien eu deux incendies consécutifs : le premier a ravagé le flanc ouest de la commune jusqu’aux frontières de Boyne et s’est arrêté au sommet de l’Endurme, le second poussé par un vent contraire s’est engouffré dans le ravin des Arziolles embrasant les 2 versants de la vallée et a terminé sa course sur le plateau de Liaucous jusqu’à la crête qui surplombe le village troglodyte d’Eglazine et le cirque de Saint Marcellin. Aujourd’hui cette étendue calcinée offre un terrible spectacle de désolation. Pour la nature les dégâts sont considérables : 1300 hectares sont partis en fumée soit la moitié de la surface de la Commune. Sur le plan humain, heureusement le bilan est incroyablement favorable, pas de morts, 3 blessés légers chez les Pompiers et intégrité de tout le patrimoine bâti ce qui est un véritable exploit car la Commune compte 3 villages, de nombreux hameaux et lotissements ainsi que quelques fermes isolées. Tous ces lieux n’ont pas été menacés à égalité mais aucune maison n’a brûlé.
Il reste à remercier toutes celles et tous ceux qui, à la Mairie, n’ont compté ni leur temps ni leur peine et qui ont assumé le poids de responsabilités énormes pendant toute cette semaine. Merci c’est bien le moins qu’on puisse leur dire.
Combien de temps faudra-t-il pour voir reverdir cette nature calcinée ? Il faudra sûrement beaucoup de temps et de patience, mais on peut se réjouir d’avoir échappé au pire.
Photos Kelly Artières – Manon Desperiès, et Sandrine Ruard







